C’est le jour après que le « tireur à une seule balle » et son complice furent attrapés ici au Maryland (USA), où j’ai vécu la majorité de ma vie. J’espérais me sentir soulagé après l’arrestation, et je l’étais, un peu, mais pas autant que je l’aurais cru. Je pense que le sentiment de danger peut devenir intense, tout à coup, mais que cela prend du temps pour que le sentiment de sécurité puisse doucement s’installer. L’église où je sers est située dans le comté de Montgomery, maintenant renommé parce que sept des treize victimes du tueur ont été tirées à cet endroit, incluant la première et la dernière.
Cedar Ridge Community Church, comme toutes les églises dans notre région, s’est réunie pour le culte à trois reprises durant les 22 jours d’impulsivité du tueur, et l’expérience d’adorer durant une période dangereuse était différente, comme vous pouvez vous en douter. Cinq mots me viennent à l’esprit alors que je me rappelle ces trois semaines; anxiété, repentance, espoir, connexion et humanité. On espère que des expériences comme celles-là vont être rares, mais dans le cas où elles ne le sont pas, dans le cas où nous entrons tous dans une période dangereuse de longue durée, peut-être que cela vaut la peine que je partage mes réflexions.
Des moments d’anxiété
Comment voulez-vous prêcher durant un moment comme celui-là? Allez-vous parler de la situation, ou continuer avec votre série qui était planifiée? Si vous parlez de la situation, qu’allez vous dire? Allez-vous parler des promesses de la protection de Dieu, ou au sujet de l’opposé, de notre vulnérabilité vis-à-vis de la mort et de notre besoin de se préparer? Ou peut-être au sujet de la violence, du mal, de la haine? Quel genre de musique allez-vous choisir? Des chansons au sujet de notre confiance et de notre sérénité en Dieu, dans le fait que nous n’avons pas peur? Que pensez-vous des chansons qui expriment la peur (si nous en avons dans notre répertoire)?
Si le carnage avait tiré en longueur, notre pasteur du culte et des arts ainsi que moi-même aurions planifié un culte en entier dévoué à aider les gens à vivre cette expérience. Merci à Dieu, c’est maintenant terminé. Durant nos trois semaines à vivre dans la crainte du tueur, dans nos prières publiques, nous avons fait face à la situation par la prière et durant les sermons.
Si nous avions eu besoin de planifier ce culte spécial, j’aurais mis l’accent sur l’anxiété. J’aurais parlé de combien l’Écriture nous dit à la fois que nous ne devons pas être dans la crainte (psaume 27:1,3; 46:2; 49:5) et pourtant contient des récits honnêtes de gens qui ont eu peur, qui l’ont exprimé clairement, et nous ouvre une fenêtre dans le combat de leur âme avec l’anxiété (psaume 55).
À travers cette expérience, j’ai réalisé combien l’anxiété est puissante, et bien que plusieurs d’entre nous, lorsqu’il n’y a pas de tireurs aux alentours, ne ressentent pas de l’anxiété intense de façon régulière, plusieurs en vivent, avec une ancienne épouse qui peut à n’importe quel moment enlever nos enfants, ou un proche qui est près de la mort, ou un être cher qui est malade mentalement et qui peut tomber dans un cercle vicieux à tout moment, ou un adolescent rebelle qui peut faire je ne sais quoi la prochaine fois, ou un fils ou une fille qui est en danger dans l’armée ou dans le champ missionnaire à l’étranger. Notre expérience commune avec le tireur me rappelle que l’anxiété est la musique de fond de l’adoration pour chacun de nous à un moment ou à un autre, et pour certains d’entre nous à tous moments.
L’effet de cette anxiété sur nous à Cedar Ridge a été de contenir l’effervescence normale de notre culte. D’une certaine manière, cela ne semblait pas correct de se réjouir avec une exubérance normale lorsque certains de nos voisins étaient affligés et lorsque tous partageaient un sentiment de danger imprévisible mais réel.
Cela m’a frappé que certains dirigeants parmi nous puissions développer un certain penchant à être « exubérants », et que nous ne sachions pas comment acquiescer avec le sage écrivain de l’Écclésiaste qui dit qu’il y a un temps et une saison pour toutes choses, ce qui signifie qu’il y a des moments pour chanter fort, frapper des mains et célébrer, et qu’il y a des moments pour chanter doucement selon une atmosphère plus réfléchie et moins joyeuse. Et peut-être des moments pour ne pas chanter du tout.
Repentance
Durant ces semaines, le choc et la peine des événements du 11 septembre 2001 nous sont revenus à la mémoire assez souvent, en même temps que des préoccupations spéciales au sujet de l’anthrax que nous, dans la région de Washington D.C. avons expérimenté suite aux attaques terroristes. Cela a été des années difficiles (bien moins difficiles, bien sûr, que ce que plusieurs de nos frères et soeurs ailleurs dans le monde expérimentent année après année).
Puis, comme maintenant, je sais que certains d’entre nous sentent le désir pour la vengeance monter à l’intérieur d’eux. Trop souvent, nous les prédicateurs et les conducteurs de louange pouvons profiter de ce goût pour la vengeance, le spiritualiser, et peut-être même l’utiliser (comme certains prédicateurs à la télévision semblent l’avoir fait en 2001). Ceci est particulièrement vrai lorsque ceux qui ont perpétré les actions sont d’une autre religion.
Si notre réponse a pour racine l’arrogance et la supériorité (comme s’il n’y avait pas eu beaucoup de « chrétiens crétins » qui avaient fait de terribles atrocités, incluant Hitler, qui se prétendait lui-même chrétien et parlait fréquemment de Dieu), si notre réponse approfondit nos préjugés et restreint notre amour et notre respect des autres, nous sommes dans un plus grand danger vis-à-vis du péché à l’intérieur de nous-mêmes que nous ne le sommes par rapport aux balles dans les aires de stationnement et les postes d’essence.
Il me semble qu’il n’y a tout simplement pas de place soit pour une revanche ou pour la supériorité, pour ceux qui veulent suivre Jésus. Cela n’est tout simplement pas permis pour nous selon le mode de vie chrétien. Oui, nous prions pour nos officiers de police, afin qu’ils trouvent ceux qui ont perpétré ces actions et pour qu’ils les amènent devant la justice. Mais, nous devons résister au désir de vengeance durant des moments comme ceux-là.
Que faisons-nous plutôt? Jésus nous demande de nous regarder dans le miroir, de regarder les poutres dans nos propres yeux lorsque nous somme tentés d’être obsédés par les fautes des autres. Et alors cela devient un moment pour que chacun de nous puisse penser aux façons que nous-mêmes, nous avons tiré sur les autres de façons moins dramatiques : des mots agressifs, de la calomnie subtile, de bonnes actions avec de mauvais motifs et de précieux préjugés. Plutôt que d’essayer d’atteindre l’extase de la revanche, nous cherchons l’eau pure de la repentance. Nous
réalisons que le mal dans les deux hommes qui ont volé notre sécurité durant les dernières semaines est aussi en chacun de nous, et nous nous reconsacrons nous-mêmes à marcher dans la lumière du Seigneur.
Espoir
Lorsque nous ressentons de la peine au sujet du mal qui est en nous et parmi nous, il est important de ne pas ouvrir la porte au cynisme ou au désespoir. Dieu n’a pas abandonné sa création, ni abandonné l’humanité. Au milieu de nos pires moments, Dieu nous donne de riches promesses que des jours meilleurs sont à venir. Ce fut durant des moments d’anxiété que Jésus est venu prêcher une ère nouvelle, un nouveau royaume. Ce fut durant un moment de faiblesse nationale et de défaites que des prophètes comme Ésaïe et Jérémie ont écrit leur poésie prophétique pleine d’espoir au-delà du jugement, avec le rêve d’un jour où les épées et les lances seront utilisées comme socs et outils à jardin, où les gens n’étudieraient plus jamais la guerre.
Je sens le besoin dimanche prochain de réaffirmer cet espoir. En fait, cette semaine, en réponse à cette période d’anxiété, j’ai terminé une chanson qui essaie de célébrer cet espoir. Nous ne la chanterons pas dimanche prochain, mais j’espère que nous le ferons bientôt. Pour moi, cette chanson sera une trace laissée par ces 22 jours :
Traduction des paroles de la chanson « Ce rêve »
Nous avons ce rêve que Dieu a planté dans nos coeurs
Comme une graine qui est arrosée par nos larmes, nos espoirs et nos prières
Que tous les fusils, les chars d’assaut, les bombes et
Les mines et les baïonnettes et les balles, bombes et couteaux
Soient fondus ensemble et qu’ils quittent nos vies.
Des fusils et des chars d’assaut nous ferons des balançoires et des bancs de parc
Des balles, nous ferons des trompettes
Dans les bombes, nous planterons des jardins.
Alors ouvrez vos coeurs et ne les endurcissez pas…
Les poings serrés vont arrêter leur combat,
Les accolades et les poignées de mains vont se réunir,
Les cris et la violence vont se taire.
Souriez et écoutez les rires des enfants.
Le Royaume de Dieu vient et celui que nous attendons.
Venez, allons à la montagne du Seigneur…
Venez, faisons un outil de chaque épée
Venez, ne nous entraînons plus jamais à la guerre
Marchons dans la lumière du Seigneur.
Cela me frappe, alors que nous adorons durant une période dangereuse, que nous ayons besoin de plus de chansons comme celle-ci, comme le vieux cantique protestant, « We Shall Overcome », des chants qui expriment l’espérance dans le Seigneur.
Établir la connexion
Mais même dans nos espoirs, nous devons être prudents. Je peux faire parti de la minorité concernant ce sujet, mais je ne crois pas que le fait d’être chrétien est supposé nous isoler de nos voisins non-chrétiens. Je crois que l’inverse doit se produire. Je ne crois pas que cela est attirant ou « juste » spirituellement de se rassembler avec le peuple de Dieu et de célébrer le fait que nous ayons l’espérance pendant que les autres ne l’ont pas.
Je ne crois pas non plus qu’il est théologiquement correct ou sage du point de vue pastoral d’essayer de rassurer les gens avec le fait que nous avons une certaine carte spéciale d’exemption du danger parce que nous croyons en Jésus. (Il est possible toutefois que l’inverse soit vrai, que nous ayons une vulnérabilité spéciale à la souffrance parce que nous suivons un homme qui a choisi de souffrir plutôt que d’infliger la souffrance).
Plutôt, alors que nous adorons pendant une période dangereuse, nous avons besoin d’une compassion accrue pour nos voisins. Après un de nos cultes, un membre de notre assemblée qui est un professeur à l’école où le jeune garçon a été tiré, est venu me voir et m’a parlé de ce que la mère de ce garçon vivait. Des histoires comme celles-là nous relient à notre communauté durant des périodes dangereuses, il y a quelque chose que je connais qui doit plaire à Dieu au milieu de tant de tristesse et d’horreur.
Ce n’est pas un moment pour « regarder de façon insouciante le beau côté des choses » lorsque tellement de personnes sont mortes et que d’autres sont affligées, mais cela vaut la peine de remarquer que cette épreuve nous a réunis ici d’une nouvelle façon, peut-être de la façon que les gens de New-York se sont sentis après les attentants du 11 septembre 2001. Ce sentiment de connexion est une bonne chose, particulièrement pour les chrétiens qui deviennent quelquefois tellement préoccupés par leur église locale et par leur maison dans le ciel qu’ils oublient leur maison terrestre située dans une certaine rue, dans un certain arrondissement, dans un certaine ville ou cité, qui est l’endroit où Dieu les a placés pour servir et aimer présentement.
Humanité
Peut-être que le mot le plus profond qui me vient en tête alors que je réfléchis au sujet d’adorer durant une période dangereuse est humanité; humanité et faiblesse, vulnérabilité et limitation. Cette histoire a saisi notre nation et même le monde parce que cela touche notre humanité commune : notre désir commun de sécurité, notre amour commun pour nos enfants et notre désir commun de les protéger, notre vulnérabilité commune en tant qu’humains (avec des cerveaux neuro-biochimiques fragiles) à la folie, notre dilemme commun d’aimer la liberté mais de vouloir
suffisamment de contrôle pour protéger notre sécurité de façon à ce que nous puissions apprécier notre liberté (qui peut être menacée par trop de contrôle).
Ce sentiment plus intense de notre humanité va demeurer en moi pour longtemps, même si la crise est terminée. Cela ajoute de la richesse à certains mots familiers, que je vais paraphraser légèrement : « Car Dieu a tant aimé l’humanité, qu’il a donné son seul et unique Fils… »
Brian McLaren est un auteur et le pasteur de l’église Cedar Ridge Community à Spencerville, Maryland (USA). Cet article a été traduit et réimprimé avec la permission du magazine Worship Leader. Si vous êtes intéressé à vous abonner à Worship Leader, S.V.P. appeler 1-800-286-8099. Visitez leurs sites internet à www.worshipleader.com et www.songdiscovery.com.