Chantez à l’Éternel un cantique nouveau

Chantez à l’Éternel un cantique nouveau

Un cantique nouveau

Plusieurs fois, les Psaumes nous demandent : « Chantez à l’Éternel un cantique nouveau » (Ps. 33 : 3; 96:1; 98:1;149:1; Es. 42:10). Cette exhortation a été interprétée de diverses manières : au travers d’expériences neuves de la grâce de Dieu, trouver de nouvelles raisons de le louer (cf. Ps. 40:4), chanter avec un cœur renouvelé, c’est-à-dire régénéré. Cependant, le Psalmiste parle d’un cantique nouveau. Alors pourquoi ne pas apprendre de nouveaux cantiques – ou en composer ?

Le culte n’est certainement pas le moment qui convient à un tel apprentissage, toute l’attention se trouve détournée de Dieu et du sens des paroles par les difficultés rythmiques et mélodiques du chant. Mieux vaut réserver, comme nous l’avons dit plus haut, un moment avant le culte ou lors d’une réunion de la semaine à cette intention. Lorsque le célèbre chanteur John Littleton anime une messe où il fait reprendre certains refrains par l’auditoire, il convoque les fidèles un quart d’heure à l’avance pour les leur apprendre. De cette manière on peut procéder à un véritable apprentissage phrase par phrase, sans avoir peur de « profaner » le moment de l’adoration.

K. Osbeck donne quelques règles utiles pour l’apprentissage rapide d’un nouveau chœur :

  1. Les paroles devraient être simples et contenir une vérité biblique importante.
  2. La mélodie et le rythme doivent être plutôt faciles à apprendre.
  3. Sachez parfaitement vous-même le chœur avant d’essayer de l’apprendre aux autres. Ayez le texte sous les yeux même si vous pensez le savoir par cœur.
  4. Donnez à temps une copie des notes à l’accompagnateur.
  5. Ayez une collection de chœurs adaptés à divers sujets (louange, prière, consécration… ).
  6. Pour apprendre le chœur :
    1. Introduisez-le de manière à donner envie de l’apprendre.
    2. Dites les paroles pendant que le pianiste joue la mélodie.
    3. Chantez-le ou faites-le chanter par la chorale.
    4. Répétez encore une fois les paroles sans la musique.
    5. Faites répéter le chant par l’auditoire en l’aidant par votre chant ou celui de la chorale. Répétez la ligne suivante ou son début entre les phrases musicales. Indiquez la hauteur des sons par des gestes de la main (chironomie de David).
    6. Faites répéter plusieurs fois en variant à chaque fois la motivation de cette répétition (insistance sur les paroles, le rythme, l’expressivité, les nuances…).
    7. Reprenez le chœur la semaine suivante.
      On peut procéder de même pour l’apprentissage de cantiques plus longs en les prenant phrase par phrase.
  7. Ne passez pas trop de temps sur le même chant la première fois. Il vaut mieux le laisser « sédimenter » et y revenir la semaine suivante.

On peut ajouter : encouragez les chanteurs à répéter le chant appris durant les moments libres de la semaine (vaisselle, jardinage, déplacements). L’esprit humain a besoin de nouveauté pour rester alerte. Avec des cantiques que l’on connaît par cœur, il faut faire un double effort pour penser les mots. Dieu nous encourage à renouveler notre hymnologie par l’exhortation ci-dessus répétée plusieurs fois dans sa Parole. Comment trouver sans cesse du nouveau?

  1. En explorant les richesses méconnues de l’hymnologie traditionnelle.
  2. En exploitant le trésor musical folklorique.
  3. En créant du neuf.

1. Revaloriser l’hymnologie traditionnelle

Nous ne connaissons pas nos richesses. Le trésor de l’hymnologie universelle contient d’innombrables cantiques oubliés dont beaucoup seraient encore utilisables aujourd’hui. Et parmi ceux qui figurent toujours dans les recueils de cantiques, combien sont encore chantés ? Dans un recueil qui en contient 600, c’est à peine si le fidèle en connaît une cinquantaine, ou même une trentaine. On chante toujours les mêmes parce qu’on ne connaît pas les autres, et
on ne connaît pas les autres parce qu’on chante toujours les mêmes…

Il existe, certes nombre de chants dont le style est dépassé, les paroles incompréhensibles en post-chrétienté (« Suivez toujours l’Agneau ») et les mélodies trop sentimentales ou mal adaptées au texte. Mais dans beaucoup de cas, nos hymnes chrétiens constituent des unités homogènes qui ont défié le temps, et ils seront encore chantés quand on ne parlera plus du rock et de la pop music en dehors de l’histoire de la musique. Beaucoup de jeunes les méprisent par
réaction ou par ignorance, mais les redécouvrent avec émerveillement une fois les vagues contestataires assagies… Ne devrait-on pas profiter du goût pluraliste actuel pour introduire, même dans les concerts de jeunes, quelques cantiques classiques, rajeunis au besoin par une nouvelle harmonisation ou même une légère adaptation rythmique. Ils seront certainement appréciés par beaucoup d’auditeurs car leur richesse mélodique et leur densité d’expression
contrastent de manière heureuse avec la pauvreté de bien des productions modernes.

Le charme de l’ancien

Cette revalorisation de notre héritage ne devrait pas se limiter uniquement à nos recueils usuels, qui contiennent surtout des chants du XIXe siècle. Pourquoi ne pas remonter plus haut à la découverte de trésors enfouis comme on fouille les greniers à la recherche d’antiquités ? Les recueils allemands ou anglais, en particulier, contiennent des joyaux qui attendent toujours d’être traduits en français.

On pourrait, en analysant et en classant méthodiquement le mètre de nos cantiques français mal mariés à une musique inadéquate, essayer de leur trouver un partenaire mieux assorti parmi ces mélodies étrangères. Ajoutons que ces mêmes pays ont produit ces dernières années des recueils contenant un nombre important de compositions plus récentes, tels que par exemple les trois recueils de Jesu Name nie verklinget et les Youth Praise, dont plusieurs
mériteraient d’être adaptés en français. L’avantage d’une traduction récente serait d’avoir des textes dépourvus des archaïsmes qui déparent bien des cantiques du passé.

Pour le culte, il faudrait donner une place particulière aux psaumes qui ont été, de tous temps, les porteurs de la louange comme de la supplication des assemblées de croyants : psaumes huguenots, psaumes de Goudimel, adaptations modernes comme dans Psalm Praise, (Falcon, London 1973) chants alternés, etc. Les textes des cantiques de l’Église primitive (voir en Phil. 2, Col. 1 et 2, Apoc.) et des prières de l’Église ancienne (Didaché, écrits des Pères apostoliques, Gloria, etc.) fourniraient aux poètes la matière de cantiques répondant aux besoins des
chrétiens d’aujourd’hui qui sont les mêmes que ceux de tous les temps.

Que Dieu nous aide à gérer le patrimoine reçu de nos pères avec la liberté des fils de la maison!

2. Exploiter le trésor musical folklorique

Une autre veine à exploiter musicalement serait le folklore. Le cas des États-Unis est frappant où le folksong connaît actuellement une vogue sans précédent : d’anciennes mélodies populaires de l’Ouest sont exhumées – ou imitées – évoquant avec nostalgie un passé lointain et idyllique. Il y a là une réserve de choix pour les poètes évangéliques en quête de musique, car ces mélodies populaires plongent leurs racines dans le subconscient collectif d’un peuple et
font vibrer une corde sensible en chacun de nous.

Mais il ne faut pas se contenter du folklore d’un seul pays : les vieilles chansons populaires de France, d’Italie, d’Espagne, d’Angleterre recèlent certainement des mélodies dignes d’être reprises par de jeunes voix désireuses de louer le Seigneur.

Des trésors cachés

Là aussi, une exploration des bibliothèques musicales des Conservatoires apporterait des moissons valables. Et pourquoi ne pas fouiller, par la même occasion, les collections de canons des grands maîtres pour enrichir ce genre particulièrement adapté à un chant improvisé à plusieurs voix ? Avec un peu d’ingéniosité et de persévérance, il devrait donc être facile d’enrichir nos hymnologies de cantiques de valeur en utilisant les procédés mêmes qui ont
assuré le succès des chants religieux du passé. En retrouvant, comme Luther, « la veine populaire du sentiment religieux et de l’adoration », on renouerait avec une tradition qui s’est perdue dans l’Église où, « sous l’influence d’un siècle entier de musique de concert, le choral a rapidement oublié les sources populaires. Mais la perte de contact avec la chanson lui deviendra fatale » (Marc Honegger, P M. 50 p. 75,101).

Enfin, en poussant la recherche encore plus loin, on pourrait aussi tenter d’assimiler quelques chants de tradition africaine qui ont passé avec tant de bonheur dans l’hymnologie des églises de là-bas.

3. Créer du neuf

a) Créativité des Réveils

Quand on considère le passé de l’Église, on est frappé par l’ampleur de sa créativité hymnologique. Chaque période a eu ses cantiques à elle, répondant aux aspirations et au goût du moment. Les périodes les plus productives ont été celles des réveils de la foi et de la piété. La Réforme a été l’une d’elles : aux XVIe et XVIIe siècles, on assiste à une prolifération étonnante ; comme le dit Marc Honegger, « à la mort de Luther en 1546, le nombre des mélodies de chorals était infime… en 1697, un immense recueil de huit volumes publié à Leipzig en contenait près de 5 000. » (P.M. p. 75). Une autre vague a été celle du Réveil. A lui seul, le méthodisme a enrichi l’hymnologie anglaise de plus de 6 500 cantiques ! Il en fut de même du Réveil américain qui nous a donné les hymnes inoubliables de Ph. Bliss et I. Sankey (« Songs and solos » contient plusieurs milliers de cantiques) ainsi que du Réveil de Genève (César Malan, à lui seul, en composa plus de 1000). De tels faits nous laissent songeurs : notre génération se laissera-t-elle saisir par une sainte jalousie et relèvera-t-elle le défi de ses pères?

b) Éduquer et développer la créativité

Disons d’abord que toute revalorisation de la musique évangélique implique une éducation musicale, et chacun sait qu’une telle éducation commence tôt. Les parents chrétiens ne devraient pas hésiter à donner à leurs enfants une formation adéquate, sachant que c’est là un placement qui donnera plus tard des fruits dans l’œuvre du Seigneur. C’est aussi le moment où la créativité peut être développée, car l’enfant n’a pas encore les réactions de la plupart des
adultes qui l’ont bloquée par un amour-propre mal placé (« ce que je fais ne vaut rien… » , « on se moquerait de moi… « ). II existe maintenant des méthodes de solfège et d’éducation musicale qui visent à développer l’improvisation et la composition (Willems, Orff). Or, un don cultivé à temps peut espérer produire un jour des œuvres valables susceptibles de rivaliser avec des créations professionnelles.

Le prix à payer

« Un chrétien doit chercher à bien faire tout ce qu’il fait, disait un jour Edmond de Pressenssé. II lui est facile de ne pas composer des vers, mais s’il en fait, qu’il se soumette à la règle. » Sommes-nous prêts à payer le prix pour le service du Seigneur ou bien nous contenterons-nous de l’improvisation et du bricolage ? Encourageons-nous les jeunes à profiter des nombreuses occasions offertes actuellement à ceux qui désirent se former sur tous les plans (musique instrumentale, direction chorale, harmonisation, etc.) – ou du moins, à faire l’effort nécessaire pour apprendre à déchiffrer correctement un chant afin de ne pas se limiter d’emblée à ceux que l’on peut apprendre par audition ?

Nous pouvons être d’autant plus exigeants que le but à poursuivre ne requiert pas obligatoirement qu’on ait atteint les hauts sommets de la technique musicale. Signalons à titre d’exemple un essai qui mériterait d’être creusé.

Une expérience à imiter

Dans une école biblique allemande, des étudiants, après une étude biblique, se sont partagés
en trois groupes ; l’un d’eux concrétisait les pensées des participants dans des textes en poésie et en prose, le deuxième les exprimait par des arts picturaux, le troisième les mettait en musique. Ils s’attendaient vraiment à recevoir la mélodie comme un cadeau de Dieu… ce qui ne les empêcha pas de composer d’abord un texte résumant le message de l’étude biblique, de l’analyser (syllabes fortes et faibles, pensées à souligner par des notes plus hautes ou plus longues) et puis de composer la musique phrase par phrase pour en faire un ensemble cohérent (Offene Türen, nov.- déc.1977, Missionshaus Bibelschule Wiedenest, p. 25).

On sait par une lettre de Pline que les premiers chrétiens pratiquaient une sorte de psalmodie alternante qui se déroulait comme un dialogue entre l’officiant et l’assemblée. C’est le style qui se prête le mieux à l’improvisation puisqu’il laisse au meneur le temps de modeler la phrase suivante sur les paroles (comme cela se pratique encore dans les églises noires américaines). Je me souviens moi-même d’un voyage à travers la savane du Mali où, avec une demi douzaine de frères africains, nous improvisions sur des centaines de kilomètres des chants antiphonés.

c) Encourager les artistes que Dieu nous donne

Contrairement à ce que l’on pense, le problème de la création musicale est autant un problème collectif qu’individuel. Certes, un grand artiste n’attendra pas, pour exprimer ce qui bouillonne en lui, que le milieu ambiant soit favorable à sa production. Mais les grands artistes sont rares, et les autres – pour lesquels nous devons être reconnaissants – ont besoin d’être stimulés par le public auquel ils s’adressent. Si ceux qui existent parmi les chrétiens ne sont que tolérés ou subis, au lieu d’être encouragés, ils peuvent être tentés de chercher le succès auprès d’autres auditoires. Ne nous plaignons pas alors de leur désertion – qui aura comme corollaire la pauvreté de notre chant religieux!

Aussi, l’Église d’aujourd’hui devrait, avant toute chose, prier pour que Dieu lui accorde des dons musicaux : chanteurs, instrumentistes, compositeurs, qui soient prêts à mettre leur art au service de Dieu – sans oublier de remercier pour ceux que Dieu a déjà donnés, de les aider et de les soutenir dans leur tâche.

d) Priorité du chant en commun

Si Dieu donne des musiciens de talent à l’Église, ce n’est pas pour réduire au silence les autres fidèles. Il est clair que, dans l’assemblée, la musique est l’affaire de tous. Rien ne remplacera le chant en commun.

Ce fut l’une des grandes innovations de la Réforme. Luther l’associa dès le début au culte pour que l’assemblée puisse y participer activement. En entendant les paroisses luthériennes de Strasbourg chanter leurs chorals, Calvin se persuada de la valeur spirituelle du chant pour la communauté et, revenant à Genève, il intégra le chant des psaumes au culte réformé. Malheureusement, les églises de la Réforme devaient suivre, par la suite, la même évolution que l’Église romaine au Moyen-âge : le chant de toute l’assemblée fut peu à peu remplacé par celui d’une chorale plus qualifiée, que les fidèles se contentaient d’écouter. C’est un peu ce que nous voyons aujourd’hui avec les groupes musicaux évangéliques qui se multiplient (témoignant ainsi d’un renouveau musical évangélique très réel), mais qui produisent des compositions destinées à être chantées devant un grand public par un groupe spécialisé. L’un de ces jeunes déclarait : « Nous devons continuer à composer de la musique pour l’évangélisation, mais nous devrions penser aussi à fournir au peuple de Dieu une musique qui l’aide à exprimer sa foi. » (Semailles et Moisson, mars 1977, p. 39)

Dans ce cas, il faudrait donner la primauté aux lignes mélodiques simples et homogènes, aux rythmes faciles et aux paroles susceptibles d’exprimer les sentiments et les aspirations de beaucoup de chrétiens. Il pourrait s’agir tout simplement d’un cantique ancien bien connu à qui l’on donnerait une nouvelle mélodie. Ou encore de petits chœurs vite appris ou de canons entonnés d’abord par quelques choristes puis repris par tous.

On ne le dira jamais assez : tant que le renouveau musical restera en deçà du chant communautaire, quels que soient ses apports et ses nouveautés, il manquera son but. Car le dessein de Dieu est toujours le Corps du Christ, son édification et son expression. Lui seul est « la plénitude de Celui qui remplit tout et en tous » (Éphésiens 1:23) et qui donne donc son sens à la musique de l’Église. C’est l’ensemble du Corps des rachetés de l’Ancienne et de la Nouvelle
Alliance qui chantera le cantique nouveau devant le trône de l’Agneau (Apoc. 5:8-10;15:2-4).

Version PDF de cet article

Cet article a été reproduit avec la permission de M. Alfred Kuen et de M. Charles Eberli. C’est le chapitre 5 du livre « Oui à la musique » (ISBN 2-2827-0031-3) des Éditions Emmaüs, C.P. 68, CH – 1806 St-Légier. Tous droits réservés. Ce livre est épuisé.

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *